Les signaux environnementaux et climatiques sont au rouge : sur les 9 limites planétaires identifiées par les scientifiques (dérèglement climatique, acidification des océans, appauvrissement de la couche d’ozone, cycle de l’azote et du phosphore, cycle de l’eau douce, changement d’usage des sols, érosion de la biodiversité, diffusion d’aérosols dans l’atmosphère, introduction de nouvelles entités) – 6 sont déjà dépassées. Ce qui signifie que les grands processus qui conditionnent et régulent la vie sur Terre sont en risque d’emballement imminent.

Inondations, mégafeux, sécheresses, algues vertes et sargasses, ou encore appauvrissement des sols : nous sommes entrés dans un nouveau régime climatique qui requiert une action urgente et déterminée. De Mayotte à Saint-Omer en passant par la Teste-de-Buch ou Alexandroupoli, les nouveaux risques prennent une ampleur considérable. Par-delà la seule question climatique, la toxicité du monde est également la cause de nombreuses maladies que nous pourrions éviter : pandémies, cancers, maladies chroniques... La dévastation environnementale a même mis un coup d’arrêt à la progression de l’espérance de vie en bonne santé, régression qui frappe les plus modestes en premier chef : l’écart d’espérance de vie entre les plus riches et les plus pauvres est supérieur à 13 ans en France.

La planète survivra à l’extinction de masse et au dérèglement climatique. Ce qui doit être sauvé, ce sont nos conditions d’habitat en tant qu’humain·es. Car dépasser les limites planétaires, c’est mettre en danger le quotidien de tous·tes, puisqu’en dépendent notre capacité à nous nourrir, la qualité de l’air que nous respirons, de l’eau que nous buvons, des sols que nous foulons…

La dépendance de nos sociétés industrialisées vis-à-vis des énergies fossiles est un problème écologique majeur. C’est également un enjeu géopolitique de premier plan. La guerre que Vladimir Poutine a lancée à l’Ukraine a révélé toutes les fragilités d’un modèle assis sur des dépendances. Mais plutôt que d’accélérer la transition vers la sobriété et le partage, elle a donné un coup de fouet à ceux qui veulent à tout prix défendre la perpétuation d’un modèle destructeur pour le vivant et créateur d’injustices. Les écologistes ont toujours défendu l’Europe par conviction de cœur et d’esprit. Parce que nous savons ce que l’idéal européen a apporté, et l’espoir qu’il peut encore représenter aujourd’hui, mais aussi parce que nous mesurons, face aux défis économiques, sociaux, environnementaux et démocratiques de notre époque, au besoin de construire des règles qui permettront de lutter contre les inégalités et de répondre à l’urgence climatique, à quel point l’échelon européen est nécessaire et incontournable.

L’Europe, au fondement de laquelle se trouvait pourtant la paix, s’est ainsi retrouvée prise au piège d’un modèle économique global qui bafoue les droits humains, détruit les écosystèmes et tourne le dos à la démocratie. Nous importons toujours plus de gaz naturel liquéfié en provenance de Russie, ou issu du gaz de schiste américain ; nous n’avons pas su défendre les arménien.ne.s du Haut-Karabagh faute de courage face au fournisseur de gaz azéri, l’Europe peine également à agir pour une paix juste et durable entre Israël et la Palestine qui préserve les civils des massacres... L’Union européenne doit retrouver sa boussole et déployer une diplomatie de la paix, quand le retour des égoïsmes et de la concurrence met en péril la cohésion au sein même du continent.

---

Des combats, nous en avons mené, et nous en avons gagné. Tandis que les libéraux souhaitaient restreindre le Pacte vert (Green Deal) à une série d’objectifs environnementaux chiffrés, certes bienvenus bien qu’insuffisants eût égard à l’accélération de la crise environnementale, nous avons arraché des lois ambitieuses contre la déforestation, pour que les critères extra-financiers des entreprises sur les droits humains, la biodiversité ou le climat s’imposent enfin, pour le climat ou encore l’inscription du crime d’écocide dans le droit européen.

Mais ces combats sont loin d’être terminés. L’Europe est à la croisée des chemins. Elle doit choisir si elle est bâtisseuse de communs ou fossoyeuse d’espoirs, tant sur notre continent qu’à l’échelle planétaire, dans un monde où la reconfiguration géopolitique rend vitale l’émergence d’un multilatéralisme des communs.

Depuis trop longtemps, l’Europe est restée engluée dans un modèle économique incompatible avec le respect de la planète et le bien-être des habitant.e.s, par exemple en s’imposant des contraintes budgétaires néfastes. Cela contribue aussi au désamour des peuples envers l’Union Européenne. Mais confrontée à des crises majeures (notamment une pandémie planétaire et la guerre d'agression déclenchée par Vladimir Poutine), l’Europe a dû emprunter - procédant parfois par tâtonnements – une autre direction. Face aux crises, elle a dû lancer un programme de réformes, mobiliser des emprunts communs et esquisser la voie d’une refonte des traités.

La mue est loin d’être achevée. Et notre destin européen est plus incertain que jamais. La nouvelle scène politique européenne est inquiétante. Les nationaux populistes prospèrent et la tentation illibérale gagne du chemin. En France, Marine Le Pen est aux portes du pouvoir. En Italie, Giorgia Meloni a déjà gagné. En Finlande, Suède et Espagne, les droites ont cédé aux extrêmes-droites et leur ont confié l’élaboration de leur agenda politique. C’est une véritable gangrène politique. 

Les forces qui s’opposent à nous prennent de l’ampleur en Europe. Nous devons tout à la fois réaffirmer une Europe comme terre des droits et libertés face à ceux qui se rendent coupables de non-assistance à personne en danger en Méditerranée, s’en prennent aux droits des femmes et créent des zones de non-droit pour les personnes LGBTQI+, et contrer les attaques de ceux qui ont pris la nature pour cible afin de préserver les profits des agro-industriels qui refusent le changement et mettent notre survie collective en péril.

Dans ce contexte, les choix opérés par Emmanuel Macron sont dangereux. Si son discours européen se veut progressiste, ses alliances de fait avec les droites européennes constituent une dérive mortifère. L’Europe est à la croisée des chemins. À l’heure de choix pourtant cruciaux, Emmanuel Macron est le VRP du statu quo, alors que nous avons besoin de grands changements.

C’est simple : si nous ne sommes pas en mesure d’envoyer siéger une force écologiste conséquente lors de la prochaine mandature, alors le Green Deal est condamné. Il est pourtant plus que jamais nécessaire, face au nouveau régime climatique.

L’économie est la mère de toutes les batailles. Notre oikos, notre maison-terre, est malade de notre nomos, nos règles ; raison pour laquelle nous devons impérativement réencastrer l’économie dans les limites planétaires. Parce que le codage juridique du capitalisme, qui s’écrit au détriment des humains et de la nature, est mondialisé, il faut mener la bataille au bon niveau. L’Europe est la bonne échelle pour ce faire. Il faut comprendre que les lois de l’économie ne sont pas au-dessus des lois de la nature. L’enjeu est donc de développer une économie qui s’adapte aux évolutions des écosystèmes, en harmonie avec le vivant. L’une des clés de notre souveraineté est l’indépendance énergétique et industrielle. Nous devons mettre l’industrie au service de la transition écologique, de la sobriété, de la dépollution du monde pour sortir de la civilisation des toxiques. Ce chemin est de surcroît pourvoyeur d’emplois et attractif pour les territoires. Et pour cela, nous avons besoin des moyens que la coalition du statu quo, sous domination croissante de l’idéologie d’extrême-droite, refuse de dégager en remettant sur la table un Pacte de stabilité budgétaire quasi inchangé.

Nous voulons une réorientation sociale et environnementale de l’Europe. Les Européen·ne·s sont confronté·e·s à des défis majeurs qui exigent la mise en œuvre d’actions politiques audacieuses et collectives. Cela passera par une révision profonde la politique agricole commune (PAC) (partie 4), un emprunt commun, l’obligation des banques à s’engager dans la transition (partie 2), une stratégie de sobriété et sortie des énergies fossiles en 2040 (partie 5), une lutte contre la pauvreté et une harmonisation par le haut des salaires (partie 6), un combat toutes les discriminations et un accueil digne pour les migrant.e.s (partie 7). Un combat prioritaire et essentiel sera un Traité environnemental qui fasse de la protection du vivant la norme des normes et confère une dimension contraignante au socle des droits sociaux. La lutte contre la pauvreté doit devenir la colonne vertébrale de l’UE.

Evidemment, l’UE devra aussi s’engager sur les enjeux du monde, avec un agenda politique sur la question de l’investissement des États membres de l’Union européenne et de ses citoyen·ne·s dans leur sécurité collective à long terme et un engagement sans faille pour défendre le droit international, que cela soit en Israël/Palestine ou en Ukraine (partie 8).

Le projet européen doit donc être remis à jour à l’aune d’un plafond environnemental à ne pas dépasser et d’un plancher social à garantir. Il est donc temps de façonner une Europe prospère, socialement juste et écologiquement viable, capable d’agir durablement pour la paix. 

Pour cela, c’est dans le cœur des objectifs de l’Union qu’il faut agir : dans les traités dont elle dérive ses pouvoirs, ses buts et des modalités d’action, et déjà sans attendre pour transformer en profondeur les politiques qui sont menées. Nous avons besoin de plus d’Europe ; mais surtout nous avons besoin d’une autre Europe.