Edito #7
Transition :
qui réglera la note ?

Publié le 10 mai 2024

Plus personne ne peut l’ignorer : pour atteindre les objectifs de neutralité carbone à l’horizon 2050, nous allons devoir investir. Les montants à mobiliser sont colossaux : pour l’Europe, ce sont chaque année 260 milliards d’euros d’argent public supplémentaires à aller chercher, selon l’étude  Road to Net Zero - Bridging the green investment gap réalisée par l’Institut Rousseau à la demande du groupe des Verts au Parlement européen.

Où trouver les ressources financières nécessaires ? Comment répartir de façon juste la charge de la transition écologique ? Répondre à ces questions implique des choix politiques fondamentaux. Il y a la version libérale-cynique : les pauvres et les classes moyennes paieront. Avec le mépris social de rigueur pour justifier la funeste entreprise : après tout, le réchauffement climatique, n’est-ce pas la faute aux « gars qui fument des clopes et roulent au diesel », pour reprendre l’expression d’une gloire passée de la Macronie ?

Et il y a la version écologiste, qui considère que la justice sociale et la justice environnementale sont en fait un seul et même combat. Les premiers responsables du réchauffement climatique et de la crise écologique, ce sont les géants des fossiles, qui se payent en plus le luxe de financer la désinformation climatosceptique depuis cinquante ans, les pollueurs qui s’enrichissent de la dévastation qu’ils provoquent sur toute la surface du globe et les empoisonneurs qui ont fait de notre santé une simple variable d’ajustement.

Mais les responsables, ce sont aussi les plus riches, dont le mode de vie est infiniment plus émetteur de carbone que celui des plus modestes. Les chiffres sont sans appel : l’empreinte carbone des 10% les plus riches est trois fois supérieure à celle des 10% les plus pauvres (selon le rapport  Les incidences économiques de l'action pour le climat rendu par Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz à la Première ministre d’alors, Elisabeth Borne, qui s’est empressée de le ranger dans un fond de tiroir).

Ce que nous proposons pour rééquilibrer l’équation ? Un ISF climatique européen ciblant les 0,5% les plus riches. Selon nos calculs, ce nouvel impôt génèrerait chaque année 200 milliards d’euros de recettes supplémentaires. Pas exactement un impôt symbolique… C’est une mesure de justice environnementale en même temps qu’une mesure de justice fiscale. Nous le répétons souvent : l’Europe est la bonne échelle pour agir. La fiscalité du patrimoine en fournit une illustration concrète, car pour tout un ensemble de raisons qu’il serait trop long de détailler ici, nous avons perdu la capacité de taxer de manière effective les hauts patrimoines à l’échelon national. Un impôt européen, c’est donc déjà une manière de lutter contre l’évasion fiscale : selon nos  estimations , dans le pire des cas, seuls 3,2% des contribuables concernés choisiraient de quitter le sol européen.

L’ISF climatique n’est qu’un instrument parmi d’autres pour financer la bifurcation écologique (pour le reste, je vous invite à consulter notre  programme ). Mais il symbolise à lui seul le courage politique et le sens de l’intérêt général dont nous aurons à faire preuve si nous voulons vraiment sauver le climat.

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