Pulsations · Meeting pour le vivant
Publié le 2 déc. 2023, avec Marie Toussaint
Le Mékong est appelé par les vietnamiens « Fleuves des Neuf Dragons » car il s'y divise en neuf fleuves, formant
ainsi un Delta. Situé à l'extrême Sud du Vietnam, le Delta du Mékong est la région où le Mékong finit sa course en
se jetant dans la Mer de Chine.
Ce territoire est désormais l'un des plus fragiles de la planète. À
cause du dérèglement climatique une partie de la région devrait sombrer sous les eaux.
18 millions de
personnes y vivent.
Écouter la pulsation du vivant c'est entendre la voix de neufs dragons qui se
meurent.
Écouter la pulsation du vivant, c'est regarder les invisibles, les oubliées, les damnés de la terre.
Au cœur d'Accra, capitale du Ghana il est un quartier connu sous le nom d'Agbogbloshie. Des
scientifiques estiment qu'il s'agit de l'endroit le plus pollué au monde. Des dizaines de milliers de personnes
vivent là, dans une immense déchetterie à ciel ouvert, au milieu des immondices d'une société de consommation qui
se refuse à eux.
Des hommes et souvent des enfants s'évertuent à trier, et démanteler ces déchets,
pour vendre ce qui peut être recyclé. Les femmes, essaient de survivre dans des activités de commerce informels,
ou finissent par se prostituer, vendant leur corps pour une bouchée de pain. Les travailleuses et les travailleurs
oubliés d'Agbogbloshie, survivent dans des conditions indignes. La plupart d'entre eux ont de graves problèmes de
santé : la zone est constamment noyée sous les fumées toxiques des déchets que font bruler les burner boys ; ces
hommes qui passent leurs jours à bruler les rebuts d'un capitalisme de la gabegie.
Qui a dit que l'écologie était un souci de riches ? À Accra, au Ghana les pauvres meurent de notre
surconsommation et du saccage de leur environnement.
J'aurais pu choisir mille autres endroits tant
partout la justice environnementale est en berne.
La vie sur la planète est en état de siège et nous regardons ailleurs. Les forets brulent et nous regardons
ailleurs. Des espèces disparaissent en masse et nous regardons ailleurs, distraits de l'essentiel de nos vies
par des accessoires érigés en totem. Écouter la pulsation du vivant, c'est faire taire un instant le bruit des notifications de nos téléphones
portables. Écouter la pulsation du vivant, c'est choisir de se détourner des chaines d'info de Bolloré qui
déversent leur poison dans nos imaginaires, pour regarder ce qui compte vraiment. C'est comprendre que nous
sommes faits de la matière du monde, et que ce monde est beau. C'est comprendre la vie est un miracle fragile, qui
ne tient, en somme, qu'au frottement des ailes d'une abeille. C'est tendre enfin l'oreille pour entendre de
nouveau les sons de la nature. L'appel de la forêt. Le roulis des océans, et le bruyant silence des
glaciers.
Ressentir les pulsions du vivant c'est soudain se rendre compte que le chant des oiseaux depuis
longtemps, n'habite plus nos journées. C'est prendre conscience de notre infinie vulnérabilité. Nous sommes
mortels, ô combien mortels. Aucune application issue de la Silicon Valley ne changera rien à l'affaire, aucune
intelligence artificielle ne pourra nous exonérer de nos responsabilités.
L’heure de nous-même a sonné.
Faire taire la voix du renoncement et ressentir en soi les pulsations du vivant, c'est fermer les yeux pour
écouter le battement de nos cœurs et se préparer à mener bataille. Et quelle bataille. La campagne européenne qui
s'ouvre ne sera pas un diner de gala.
En 2019, nous étions rassemblés derrière Yannick Jadot, que je
salue chaleureusement. Merci à toi Yannick d'être là ce soir. Ta présence est une escorte bienveillante et
fraternelle. Elle m'oblige. Merci à toi de me passer le relais dans cette course qui est à la fois une course
contre la montre face à l'urgence climatique, et une course de fond pour transformer en profondeur nos sociétés,
prisonnières d'un productivisme tellement ancré dans nos têtes et dans nos vies que prétendre le dépasser semble
parfois impossible. Nous ne renonçons pas parce que les choses sont difficiles. Dans l'adversité nous puisons de
la détermination. Alors au combat, camarades, au combat.
Marine, Eric et tous nos maires que je ne
peux citer, Sandrine et tous nos parlementaires, au combat. Les jeunes écologistes, vous que j'aime tant, vous qui
me donnez de la force de l'énergie et de la joie, au combat pour la justice et le vivant.
C'est toutes
et tous ensemble que nous allons faire campagne. En 2019, nous avons profité d'un contexte politique et social
porteur pour l'écologie politique. Rappelez-vous des marches climat où nous partions le cœur léger et le bagage
mince, bien décidés à empoigner la vie. Rappelez-vous des appels de Greta Thunberg, de son audace, de son courage
et de l'incroyable vent de fraicheur et d'espoir qu'elle a fait souffler sur la planète. Rappelez-vous de
l'affaire du siècle, cette action en justice contre l'état français pour inaction climatique, soutenue par une
pétition signée par plus de 2 millions de citoyennes et de citoyens. D'une certaine manière la liste verte sur
laquelle j'ai eu l'honneur d'être élue était le débouché politique naturel de toute cette effervescence
citoyenne.
Nous avons fait campagne avec le vent dans le dos. Cette fois nous ferons campagne avec le vent de face.
Et c'est un vent mauvais qui souffle sur l'Europe. Alors rien ne sera simple. La montée des populismes continue.
La victoire de Geert Wilders aux Pays-Bas est le signe inquiétant d’une banalisation du pire. C'est la victoire du
climato-scepticisme associé aux pulsions identitaires les plus viles. Ce cocktail national-climatosceptique est la
potion amère qu'il veut faire avaler à tout le continent. Son carburant est le ressentiment. Son véhicule est la
colère. Son projet est le rejet de l'autre et le retour à un âge d'or imaginaire. Partout en Europe, déjà des
clones haineux rêvent de rééditer la performance.
En France, Willy Schraen, l'homme qui aime tuer,
adossé à Thierry Costes, l'homme qui aime faire tomber les écologistes et qui se vante d’être le conseiller
ruralité d’Emmanuel Macron, fomentent déjà une liste. Ils se prétendent les défenseurs de la ruralité. Je leur dis
chiche. Ouvrons le débat publiquement sur le monde rural. Défendez votre vision. Et nous rappellerons comment le
modèle que vous défendez est une catastrophe environnementale et sociale. Nous rappellerons que c'est votre amour
de l'agro-industrie qui détruit des emplois paysans et que c'est la PAC que vous défendez qui subventionne les
gros et laisse mourir les petits.
Nous ne voulons pas d'une France sans paysans, nous ne voulons pas d'une Europe sans paysans alors nous allons continuer à nous battre pour faire vivre un autre modèle agricole, qui conjugue respect du vivant et défense de notre souveraineté alimentaire.
Merci à toi Benoit Biteau
d'incarner ce combat.
L'extrême droite présente des visages différents selon les contextes nationaux.
Ses masques varient. Ses stratégies fluctuent. Mais son programme commun est constant : la haine des étrangers
accusés de tous les maux, la remise en cause des droits fondamentaux supposés affaiblir la nation, la confiscation
de l'idée nationale pour mieux la resservir sous une forme rancie, le révisionnisme historique pour fracturer les
imaginaires, le populisme pour chevaucher les peurs, la convocation d'un monde ancien pour défendre un ordre
nouveau. Partout, ils remettent en cause les droits des migrants à trouver une vie meilleure, le droit des femmes
à disposer de leur corps, et le droit des personnes LGBTQI+ à vivre leur amour librement. Ce sont des ennemis de
la liberté. Face à eux, nous défendrons les droits humains fondamentaux sans coup férir parce que les
discriminations nous sont insupportables qu'elles soient basées sur le genre, sur l'origine, la religion ou la
classe sociale
L'extrême-droite est d'autant plus forte que la droite est faible : intellectuellement
morte, culturellement sous influence, politiquement en état de sidération, la droite est partout tentée de tout
céder à l'extrême droite pour préserver un peu de ses positions. Ce n'est pas ma famille politique mais je veux
dire à la droite républicaine qu'au bout de ce chemin de déshonneur, il n'y a pas seulement la honte, il y a aussi
la défaite. Droites européennes, ressaisissez-vous ! Et vous femmes et hommes de droite de tout le continent, ne
laissez pas vos chefs inscrire leur nom et le vôtre au fronton des trahisons. Parce qu'il vous reste un peu
d'estime de vous-même et que l'intérêt général laisse un soupçon d'empreinte dans vos consciences, refusez de vous
laisser embarquer dans la croisade anti-climat de la droite et de l'extrême droite. Vous aussi, écoutez les
pulsations du vivant. Elles valent davantage qu'un compte en banque bien rempli ou une villa bien située...
Amis écologistes, vous allez me reprochez de m'adresser à la droite. Je ne suis pas naïve. Mais je
crois à la puissance de l'écologie: un jour viendra où nous aurons conquis les esprits du dernier des mohicans du
libéralisme. En attendant, si je vous parle longuement de l'extrême droite et de la droite, c'est qu'au parlement européen, l'union des droites se fait sur le dos de l'écologie. Nous défendons le vivant. Ils
l'agressent. Nous défendons l'avenir. Ils l'enterrent. Voilà la vérité nue.
Ces dernières semaines ont été absolument terribles pour l'écologie et pour la démocratie. Terrible
pour l'écologie d'abord parce que cette alliance anti-écologie a décidé de la prolongation du glyphosate, de
l'abandon de la législation contre les substances toxiques, et de réintroduire les OGM à grande échelle. Avec trop
souvent la complaisance des macronistes comme le commissaire français Thierry Breton, toujours à la manœuvre
lorsqu'il s'agit d'empêcher l'interdiction des substances dangereuses.
Tous se sont alliés pour faire en sorte que l'Europe ne sorte pas de la civilisation des toxiques: c'est la
coalition des empoisonneurs.
Oui je pèse mes mots: des empoisonneurs. Comment nommer autrement ceux qui connaissent la toxicité des produits,
la nocivité pour la santé, les conséquences potentielles pour nous et nos enfants et choisissent de poursuivre
dans la voie de l'intoxication lente et de la pollution éternelle de notre continent, de ses sols et de ses eaux,
et donc finalement de nous-mêmes ? Ils mentent pour masquer leurs méfaits, mais il est temps que les masques
tombent : nous allons les mettre face à leurs responsabilités.
Monsieur Bardella, nous connaissons vos
votes. Et nous ferons campagne en vous posant une seule question.
Comment prétendre défendre les Français quand on vote la prolongation des substances qui les empoisonnent ?
Ce qui se passe au parlement européen, ce grand recul, cette alliance ce n'est pas seulement un problème pour
l'écologie c'est un problème pour la démocratie. Tous les reculs de l'écologie sont imposés par des lobbies. Des
lobbies puissants, influents, qui n'hésitent pas à manipuler des études et à acheter les consciences chaque fois
qu'ils le peuvent. Les multinationales des pesticides tuent deux fois : la première en déversant leurs substances
toxiques dans la nature, et la seconde en déversant leur argent frelaté dans le dévoiement de la démocratie.
Quelque soient ses options politiques, aucun démocrate ne devrait tolérer une telle ingérence dans des décisions
qui déterminent nos existences. Nous devons mettre les lobbies à la porte des institutions européennes.
Je parle de lutte contre les lobbies et je pense à la grande Eva Joly, que je salue... et je pense à
Michèle, Michèle Rivasi que nous n'avons pas fini de pleurer. Michèle dont le départ soudain nous laisse sonnés,
hébétés par la violence de l'inattendu et abattus par la tristesse qui nous serre la gorge. Michèle c'est bien la
première fois que tu nous quitte sans dire au revoir, tant ta première qualité était d'être tellement chaleureuse.
Je me tais un instant, et j'entends ta voix. J’entends ton timbre inimitable, tes emportements, tes harangues
contre ces lobbies que tu détestais tant et qui te le rendaient bien. Leur sommeil est plus léger maintenant le
tien est définitif. Ils savent eux, plus encore que nous, le travail que tu as accompli pour les bouter hors de
nos vies. Ils savent, ces lobbies infâmes, combien tu étais redoutable pour eux, eux qui n'ont pas hésité à te
faire espionner, avec d'autres camarades parce-que tu te dressais sur leur chemin. Michèle nous avons eu nos
désaccords, et tu étais rude dans le débat. Mais combien de leçons ton parcours nous a enseigné. Repose en paix
Michèle.
Le combat continue sans toi parce que tu n'aurais pas toléré que nous faisions une pause, ne
serait-ce qu'un instant. Avec toi nous ne perdons pas seulement une parlementaire ou une amie, nous perdons un
guide. Alors humblement nous mettrons nos pas dans les tiens. De là ou tu seras, continue de nous inspirer... Nous
allons dans cette campagne suivre ton exemple et ne rien lâcher.
Les hommes et les femmes qui
composent notre liste ont bien l'intention de défendre le vivant et la justice de toutes leurs forces. Je crois en
eux et je vous demande de leur apporter votre soutien. Les sortants je les connais et vous les connaissez : vous
connaissez leurs combats, leurs qualités, leur acharnement à faire entendre la voix de l'écologie, dans
l'hémicycle et dans les territoires. J’ai cité Benoit, je veux remercier David Cormand, Mounir Satouri et Claude
Gruffat du mandat accompli. Je veux aussi saluer tout le travail accompli par l'inépuisable Karima Delli. Les
entrants, vous allez apprendre à les connaitre. Melissa, Madjouline, Abdoulaye, Priscilla, Amine, Stéphanie,
Rachel Régis, Bénédicte, Christian merci d'être ce que vous êtes. Merci de composer l'une des plus belles listes
de l'histoire de l'écologie politique. Merci d'incarner le renouveau de l'écologie, le brassage des générations,
l'ouverture à la société, l'engagement militant et l'espoir d'un bon score.
Nos adversaires sont les
pires des démagogues. Nous avons le devoir d'être les plus patients des pédagogues. Il faut aller chercher chaque
voix comme si c'était le dernier jour de notre combat, et recommencer chaque matin comme si c 'était le premier
matin du monde. Camarades, les choses sont simples : nous n'avons pas le droit de perdre la bataille que nous
menons.
L'Europe doit devenir le continent de la sauvegarde écologique, la terre pionnière de l'adaptation au dérèglement climatique, le fer de lance de la bataille planétaire contre la destruction du vivant.
Elle le peut car c'est une puissance économique. Elle le doit parce que c'est sa responsabilité historique. Parce
que nous savons ce qui se joue, parce que notre sensibilité nous renseigne, parce que notre compréhension nous
alerte, nous sommes l'armée du vivant. Nous menons l'éternelle lutte du savoir contre l'obscurantisme en
combattant les faux arguments des légions climatosceptiques.
Nos armes ne blessent pas, elles
soignent. Nos armes ne tuent pas, elles sauvent. Notre écologie n'est pas un identitarisme mais un universalisme.
Je ne parle pas ici d'un universalisme confisqué par la vision autocentrée d'un occident préoccupé de son seul
sort. Je défends un universalisme qui ayant appris des leçons de l'histoire est désormais enraciné dans la
modestie et sait que seul le singulier est universel. L'Europe a beaucoup conquis, beaucoup colonisé, beaucoup
exporté la violence pour fonder sa puissance. Elle ne sera grande désormais qu'à hauteur de ce qu’elle apportera à
l'équilibre de la planète. Notre Europe n'est ni spoliatrice, ni prédatrice, ni usurpatrice. Les valeurs qu'elle
prône pour le monde, elle doit se les appliquer d'abord à elle-même. Notre écologie est une cosmopolitique qui
postule l'unité du vivant, reconnait des droits à la nature et une conscience aux animaux.
Oui la
condition animale nous importe, n'en déplaise aux cœurs secs qui nous moquent. Que nous parlions des compagnons de
tous les jours auxquels nous devons tendresse et affection, ou des animaux d'élevage, nous réclamons pour chacun
la fin de la souffrance animale, la fin de l’arbitraire qui les frappe et que cesse la barbarie qui les tue. Oui
nous défendons, les chiens, les chats, les dauphins et nous défendons aussi les veaux, les vaches et les cochons,
et tous les animaux qui meurent dans des conditions indignes dans des abattoirs pour le plus grand profit d'un
système agro industriel qui a perdu le sens de la mesure et qui ne cherche qu'a optimiser ses gains. La loi du
profit règne partout en maitre : mais choisir de défendre le vivant c'est exprimer que quelque chose est supérieur
aux forces de l'argent.
Le marché est un outil, pas une ligne de vie. Il est un moyen, pas une fin. Il
ne peut dicter ses exigences et les ériger en loi des lois.
Comment peut-on accepter une Europe
où l'accumulation de la richesse est devenue l’objectif ultime ? Je propose que la lutte contre la pauvreté
devienne enfin la colonne vertébrale du projet européen. Je propose la création d'un droit de véto social :
qu'aucune mesure portant atteinte aux conditions d'existence des 10% d'européennes et d'européens les plus pauvres
ne puisse être adoptée. Une Europe qui néglige les pauvres et agit sans recueillir leur avis, agit forcément
contre eux. Nous voulons faire entendre la voix de celles et ceux qu’on n’entend pas, celles et ceux qu'on ne voit
pas, celles et ceux qu'on ne considère pas. Et surtout, nous voulons faire que la vie de millions d'européenne set
d'européens soit plus douce.
La douceur, voilà notre horizon. À cette évocation, certains sourient.
"Elle continue avec son truc de la douceur". Oui je continue. Et je ne fais que commencer... Une salle de
camarades insoumis à cru bon de me siffler cet été parce que je défendais cette idée. Manon Aubry m'a envoyé après
un sms, qui disait en substance "sans rancune". Sans rancune Manon, mais sans naïveté. J'ai proposé un pacte de
non-agression, non par faiblesse mais par conviction. Et je le répète : je ne participerai pas à la guerre des
gauches. Ça n'empêche pas de se parler franchement.
Alors Raphaël Glucksmann, si tu m'entends, tu peux
dire à Carole Delga d'arrêter de soutenir l'A 69 ? Ce n'est pas compatible avec l'écologie, pas compatible avec la
lutte contre le dérèglement climatique, pas compatible avec les pulsations du vivant. Les doubles discours sur
l'écologie ça suffit. Emmanuel Macron a déjà épuisé l'exercice, lui qui se veut le champion de l'écologie hors de
ses frontières, qui fait de grands discours lors des COP et agit si peu et si mal pour le climat en France et en
Europe. Le temps du blabla est révolu. Le climat demande des actes. L’écologie ce n'est pas juste des thread sur
twitter, c'est un combat de tous les instants, c'est le combat d'une vie. On ne peut pas dire une chose en région
et une autre à Bruxelles.
J'en reviens à la douceur. Pourquoi devrions-nous nous excuser d'avoir choisi
le camp de la douceur ? C'est la misère de notre temps qui inverse la courbe des valeurs et fait des vertus des
vices. Je redis ici que la douceur est politique, parce qu'elle refuse que la force fasse la loi. Vous avez le
droit de ne pas être en accord avec la perspective que j'ouvre. Vous avez même le droit de le dire. On m’a alerté
en me disant Marie, le discours sur la douceur n'est pas adapté à la période. Je réponds ne vous méprenez pas : il
n'y a pas de meilleur moment pour la douceur que quand la violence étend un voile spectral sur notre avenir.
Croyez-vous que j'ignore les épreuves de la vie ? Croyez-vous que je n'ai pas vu la misère de mes yeux
? Croyez-vous que face aux injustices du monde je n'éprouve jamais de colère ? La colère est partout et la justice
nulle part. Je le sais. Nous vivons l’âge de la colère. Mais j'observe ceci : quand elle déborde de son lit, ce
n'est jamais nous que la colère porte au pouvoir, mais au contraire les pires populistes, les pires
réactionnaires, ceux qui hurlent pour de faire entendre, ceux qui font de l'intimidation et de la menace une
politique, ceux qui font de la haine un projet de civilisation.
Face à cela, je vois bien la tentation
des matamores qui montrent les muscles dans une escalade verbale jamais achevée. Je connais les ruses de la raison
bourgeoise qui consiste à se donner des airs populaires en criant plus fort que les autres, comme si les mauvaises
manières venaient d'en bas. Mais en bas, à la vérité on sait se tenir. Le peuple veut le respect, point barre. Pas
le désordre entretenu, pas les vaines polémiques, pas le désolant spectacle d'un monde politique imbu de lui-même
et boursouflé d'egos. C’est par la tête que le poisson pourrit : ce sont les mauvais comportements des élites qui
inspirent en cascade chaque strate de notre société.
Pourquoi devrais-je choisir la vocifération comme
mode d'expression ? Pourquoi devrais-je faire du tohu-bohu une marque de fabrique ? Pourquoi fustiger Hanouna et
Pascal Praud si c'est pour parler comme eux ? Je ne crois pas que nous avons à gagner à encourager le triomphe des
passions tristes, la politique du clash et le règne du ressentiment. Je crois même que nous avons tout à y perdre.
Résister à la médiocrité de l'air du temps est un devoir civique.
Donc je persiste et je signe : notre
monde a besoin de douceur. La douceur est l’art d’aborder les êtres et les choses par le biais de leur fragilité.
Et oui ce renversement de perspective est politique et perturbe les dominants, ceux qui ont fait de la force,
symbolique ou physique la clef de leur statut. Nous les vulnérables, nous les sensibles, nous les humiliées, les
silenciées, les effacées de toutes origines, et de toute la planète nous disons que la douceur érigée en projet
politique est pour nous une puissance de libération.
Car voyez-vous, évoquer la douceur c'est vouloir
subvertir l'ordre social en y inversant la hiérarchie des normes : ce qui était jugé subalterne devient cardinal,
celles et ceux qu'on laissait pour compte deviennent prioritaires. Vouloir rétablir de la douceur dans le monde,
c'est affirmer enfin que les derniers seront les premiers. Oui la douceur délaisse les premiers de cordée et
accorde sa sollicitude aux plus humbles.
La douceur est le refus de la violence sociale qui humilie
toujours les mêmes, casse le dos des humbles, use les vies des pauvres. A la force de la violence nous opposons la
puissance du soin, la vigilance du care. Le care est une idée neuve en Europe. Au lieu de se gargariser d’une
idéologie où la guerre de tous contre chacun est la matrice du modèle social, nous autres misons sur la
civilisation de l'entraide. Voilà le combat que nous voulons mener en Europe. Et c'est pour ces raisons que nous
voulons la réorienter sur d'autres bases.
La mère de toutes les batailles c'est l'économie. J'en
parlerai beaucoup dans cette campagne et n'en dirai que quelques mots ce soir. Mais pour aller vite, sans
transformation de notre modèle économique, il n'y aura pas d'adaptation possible au dérèglement climatique. Quelle
est la situation ? Six limites planétaires sur neuf sont dépassées. Notre modèle économique doit donc
nécessairement faire face à une réalité indépassable : une croissance infinie dans un monde fini n'est pas
possible. L'économie ne peut s'affranchir des limites biophysiques. Prétendre le contraire est un mensonge
dangereux. Mais une économie financiarisée à outrance et déconnectée des réalités pense pouvoir poursuivre dans
une fuite en avant qui nous mène au désastre social et environnemental.
Nous autres écologistes, nous
sommes les plus réalistes, nous défendons au contraire le fait de réencastrer l'économie dans les limites
planétaires. Ce qui, en matière de travaux pratiques indique de sortir des énergies fossiles. Ce n'est pas un
petit enjeu : nous avons besoin d'une mobilisation générale des forces productives et économiques en faveur du
climat. J'ajoute que c'est un effort de longue haleine. On ne peut donc pas vraiment parler d'économie de guerre
climatique, ou alors c'est une guerre qui durera cent ans, parce que sauver le climat pour maintenir les
possibilités de la vie sur terre, c'est l'affaire du siècle.
La question climatique est à la fois une
question de responsabilité collective et de responsabilité individuelle. Personne ne doit se défausser, personne
ne doit justifier son inaction par celle d'autrui. Mais nous disons, et c'est l'une des leçons du mouvement des
gilets jaunes, que la transition écologique doit se faire dans la justice sociale.
Et puisque la
question du financement de la transition est sur la table, nous formulons une idée simple: celle de la création
d'un ISF climatique européen, pour mobiliser l'argent des plus riches au service de l'intérêt général écologique.
Nous ne disons pas que cela réglerait tout : mais la mécanique vertueuse ainsi enclenchée aurait valeur
d'exemplarité tout en fournissant des sommes conséquentes pour le climat.
Oui nous sommes
volontaristes et nous l'assumons. Quand les écologistes demandent que les grandes entreprises soient tenues
responsables de leurs atteintes aux droits humains et à l'environnement, on nous rétorque que nous sommes contre
l'économie. Emmanuel Macron met tout en œuvre pour que le devoir de vigilance ne s'impose pas aux banques. Mais
comment sauver le climat si les banques continuent à investir dans des projets climaticides ?
Je
refuse de voir les banques de mon pays mobiliser leurs fonds pour investir dans des bombes climatiques aux quatre
coins du globe.
Je refuse de voir une grande entreprise comme Total qui nous ment depuis 1972 sur les
conséquences de sa politique industrielle, continuer à s'acoquiner avec des dictatures pour prolonger le plus
longtemps possible son modèle écocidaire...
Je refuse que l’Europe rate le coche de l'adaptation au
dérèglement climatique parce que quelques lobbies ont décidé que nous devions rester prisonniers des fossiles. Et
c’est tout l’enjeu de la COP28.
Nous n'avons rien appris de la guerre en Ukraine. Cette guerre a révélé
toutes nos fragilités. En premier lieu notre faiblesse géopolitique, faute d'avoir une politique de défense
commune réellement unifiée. En second lieu notre faiblesse démocratique parce notre pseudo realpolitik a permis à
Vladimir Poutine de pousser ses rêves teintés de nostalgie impériale et de nous mener une guerre informationnelle
sur les réseaux sociaux, mettant ainsi en péril notre droit à l'information. En dernier lieu cette guerre a mis en
exergue notre soumission énergétique à la Russie à travers la dépendance au gaz russe. Il n'y a donc pas d'un côté
les enjeux géopolitiques et de l'autre côté la lutte pour le climat, mais bel et bien une géopolitique du climat
et des ressources à forger si l'Europe tient à sa souveraineté et si la France tient à son indépendance. Nous
n'avons rien appris de la guerre en Ukraine.
Au contraire nous nous sommes précipités dans les bras de
l'Azerbaïdjan pour bénéficier de leur gaz, au moment même où ils planifiaient, puis perpétraient une épuration
ethnique dans le Haut-Karabagh. L'Arménie qui a déjà tant et tant souffert a été une nouvelle fois abandonnée à
son sort, sacrifiée pour des intérêts gaziers... C'est une tache indélébile sur le mandat de madame Von Der Leyen
et sur l'honneur européen. J’arrive à la fin de mon discours. Je veux dire encore quelques mots, peut être les
plus importants dans les heures troublées que nous vivons.
Je veux parler de la paix. L'Europe ne peut
oublier qu'elle est une puissance de paix. Défendre les pulsations du vivant, défendre la possibilité du vivant,
c'est défendre la paix.
Notre histoire est celle d'un continent, qui, ravagé par les guerres, divisé
par des blessures profondes, couturé de cicatrices ineffaçables, a choisi de dépasser enfin les antagonismes
nationaux, pour construire la paix. Que de vies sacrifiées, que de vies amputées, par la guerre raccourcies, que
de consciences endolories, que de crimes irréparables commis, avant que l'esprit d'unité ne l'emporte sur les
légions de la division.
Au sortir de deux guerres qu'on a appelée mondiales, les peuples d'Europe ont
choisi de s'unir pour que plus jamais le fléau de la guerre ne les frappe. Le chemin fut long, hasardeux, semé
d'embuches. L’Europe c’est le continent de la paix impossible et pourtant réalisée.
C'est à cette
lumière que j'observe le conflit israélo-palestinien. L'Europe dans cette ne doit suivre qu'une seule boussole,
celle de la paix. Et il en va de même pour la France. On m'a dit Marie, tu twittes peu sur ce sujet. Et c'est
vrai. Je connais trop le poids des mots pour penser que 180 signes écrits dans la précipitation n'ajouteront pas
au malheur du monde. J'envie celles et ceux qui vivent engoncés dans leurs certitudes et pensent que la vérité
dort dans un seul lit.
Je vois monter les haines. Je vois les métastases du ressentiment gangréner des
mouvements militants, défaire des amitiés, abimer des luttes qui ne seront plus jamais communes. Je vois la peste
antisémite, jamais abolie, ressurgir avec une vigueur qui me dégoute. Je vois l'indifférence à la souffrance
palestinienne, la négation du fait colonial, la volonté de justifier l'injustifiable. Je vois confondre la
justice avec la vengeance. Je vois la guerre sur les réseaux sociaux. Les géopoliticiens d'occasion, les
spécialistes d'opérette. Je vois la guerre de position qui défigure l'humanisme jusqu’à le rendre inenvisageable
parce que chacun pense que ses morts pèsent plus que ceux d'autrui. Je vois la négation du viol utilisé comme arme
de guerre. Et je me revois adolescente, avec un keffieh enroulé autour du cou, comme tant de personnes de ma
génération.
Pouvais-je seulement imaginer vivre ce que nous avons vécu le 7 octobre 2023 ? Deux
jours après le 7 octobre, J'ai twitté une image. Celle d'une photo qui a été prise lorsque j'avais 6 ans. C'est
une image des accords d'Oslo ou on voit Itzhak Rabin et Yasser Arafat se serrer la main. Eux ont cru à une paix
impossible. Alors qui sommes-nous pour refuser d'y croire ?
Mon camp c'est celui de la paix impossible,
parce qu'il m'est impossible de prendre un autre parti que celui de la paix Sans justice, il n'y aura jamais la
paix. Et sans paix il n'y aura jamais de sécurité. Je demande non pas une trêve mais un cessez le feu. Je demande
la libération des otages. Je demande que la CPI puisse entrer dans Gaza. Je demande que les colons de Cisjordanie
cessent leurs crimes comme j'ai demandé que le Hamas cesse ses pogroms.Politiquement, je demande de toutes mes
forces, de toute mon âme une solution à deux états. C'est le chemin le plus étroit mais le plus juste.
Mon
discours a commencé dans le Mékong et s'achève au Moyen-Orient. Mes amies, on ne lutte pas pour le vivant dans un
seul pays. Je cite Fanon qui disait « ô mon corps, toujours fais de moi un homme qui s'interroge ». Parfois la
femme que je suis s'interroge. Parfois j'hésite. Et dans ces moments-là mes boussoles, ce sont les mots de
l'abécédaire que mes ami.e.s ont égrené au début de ce rassemblement pour le vivant.
Humanisme, justice,
protection, paix, avenir, solidarité : voilà les boussoles qui doivent nous orienter dans les temps troublés que
nous traversons. Voilà pourquoi je me bats en suivant le sillage de mes parents militants à ATD quart monde,
l'association qui m'a tout appris de la dignité et du respect dû à chacune et à chacun.
Voilà ce que je
défendrai dans la campagne pour laquelle j'ai été désignée.
Voilà ce que nous porterons ensemble, pour
une Europe de la justice et du vivant.
Alors, écoutez la voix de votre conscience, écoutez les
pulsations du vivant et mettez-vous en mouvement : demain nous appartient !