Edito #6
Pour quelques barils de plus…
Publié le 7 mai 2024
Vous avez aimé les puits de pétrole de Vermilion dans la forêt de la Teste-de-Buch en Nouvelle-Aquitaine ? Vous allez adorer ceux de Brigde Energies dans la vallée de Lunain en région parisienne.
Le journal Libération publiait hier une enquête édifiante sur de nouveaux projets de forages pétroliers en Seine-et-Marne, et à ce stade, il est permis de se demander si le climatoscepticisme n’est pas l’idéologie officielle du régime actuel. Climatoscepticisme honteux, mais climatoscepticisme tout de même.
Mais d’abord, les faits : on apprend donc que dans les derniers jours de 2023, la Première ministre Elisabeth Borne – avec le concours du ministre de l’Économie Bruno Le Maire et de celle qui occupait alors le poste de ministre de la Transition énergétique (!), Agnès Pannier-Runacher – autorisait discrètement l’extension de la concession de la société pétrolière Bridge Energies. Cette dernière pourrait désormais exploiter une surface cinq fois supérieures à cinq kilomètres au sud de la forêt de Fontainebleau.
Mais l’affaire ne s’arrête pas là : la préfecture de Seine-et-Marne autorise en plus l’ ouverture de deux nouveaux puits de pétrole près du village de Nonville, forages qui permettraient à Bridge Energies de doubler son niveau de production. Un projet dans l’air du temps : extraire deux fois plus de brut de notre sous-sol, c’est en effet l’urgence si la France veut tenir son objectif de neutralité carbone à horizon 2050…
Mais attendez, l’histoire n’est toujours pas terminée : le projet implique de forer à 1 500 mètres de profondeur, à travers la nappe phréatique qui alimente en eau potable 180 000 franciliens, depuis les communes limitrophes jusqu’à plusieurs arrondissements parisiens. Un risque intolérable, qui pousse aujourd’hui l’écologiste Dan Lert, président de la régie Eau de Paris et adjoint en charge de la Transition écologique à Paris, à attaquer la décision devant les tribunaux.
Extraction pétrolière et pollution des ressource en eau : nous sommes face à un crossover cauchemardesque.
Mépris des habitants des communes alentours (évidemment opposés aux forages), dévastation potentielle des écosystèmes naturels (la rivière du Lunain est classée Natura 2000), risque sanitaire inconsidéré pour des centaines de milliers d’habitants et bombes climatiques : nous sommes même face à un condensé de la crise écologique à petite échelle.
En revanche, la lâcheté et l’hypocrisie des responsables politiques qui autorisent encore la poursuite de ce genre d’entreprises climaticides opère, elle, à grande échelle.
Et tout ça pour quoi ? Pour quelques barils de plus…