Edito #3
Austérité, vous en reprendrez bien une petite cure ?

Publié le 26 avr. 2024

On l’a retrouvée. Quoi ? L’austérité. 

Mardi dernier, l’Europe a renoué avec l’un de ses vieux démons : le pacte de stabilité et de croissance. Face à la crise du COVID-19 puis aux répercussions en cascade de la guerre en Ukraine, les 27 avaient eu la clairvoyance de suspendre ces règles budgétaires dont il est aujourd’hui difficile d’ignorer qu’elles sont pour l’Union un fardeau autrement plus lourd à porter que celui qu’elles prétendent combattre (la dette publique).

Car c’est bien le carcan de l’orthodoxie budgétaire qui a conduit au sous-investissement chronique et au décrochage relatif de l’économie européenne face à l’économie américaine que les libéraux font aujourd’hui mine de découvrir. C’est encore et toujours cette idéologie obtuse qui a accouché d’une gestion calamiteuse de la crise des dettes publiques il y a dans, et en particulier du traitement indigne infligé à la Grèce à la même époque.

Depuis au moins deux décennies, l’austérité est l’une des causes du désamour que manifeste une part croissante de citoyennes et de citoyens de l’Union vis-à-vis de la construction européenne.

Nous pensions en avoir fini, il semblait qu’une nouvelle page de l’histoire européenne allait enfin pouvoir s’écrire : nous avions tort. Retour à la case départ. 3% de déficit, 60% de taux d’endettement (avec de très subtiles modulations)... vous en reprendrez bien une petite cure ? 

Par une large majorité (367 voix pour, 161 contre et 69 abstentions), une coalition du grand bond en arrière rassemblant les conservateurs, les libéraux et les sociaux-démocrates a entériné le retour du carcan budgétaire.

Plus qu’un contresens, il s’agit d’une faute historique. Nous savons que si nous voulons tenir nos objectifs en matière de neutralité carbone, nous devons aller chercher chaque année 260 milliards d’argent public supplémentaires. Tout simplement impossible avec le pacte de stabilité en travers de notre route : les États-membres devront comprimer les investissements dans la transition, et pire encore, arbitrer entre dépenses sociales et ambitions environnementales quand les secondes sont intenables sans les premières.

Le  Président de la République était ce jeudi 25 avril à la Sorbonne pour nous parler d’Europe et de son “nouveau paradigme de croissance et de prospérité” (le choix des mots, avouons-le, a quelque chose d’ironique). Ses paroles étaient donc caduques avant même de raisonner dans le grand amphithéâtre de la vieille université parisienne. 

“Notre Europe est mortelle”, disait-il. Il en sait quelque-chose : ce sont les idées qu’il porte qui la saignent à petit feu depuis des décennies…