- Adopter un nouveau Pacte social-écologique européen pour piloter les investissements européens nécessaires à l’objectif européen de neutralité carbone d’ici 2050 et assurer une transition qui ne laisse personne de côté. Ce Pacte social-écologique s’appuiera sur une budgétisation verte et sociale posant un cadre d’action pour l’ensemble des institutions et instruments économiques européens.
-
Prioriser l’investissement public européen
: nous avons besoin d’un investissement supplémentaire de 10 000
milliards d’euros d’ici 2050 pour tenir nos objectifs climatiques, soit
un investissement moyen annuel supplémentaire de 2,3 % du PIB de l’UE,
soit 360 milliards d’euros. Et sur ces 360 milliards d’euros, les États
européens devront investir près de 260 milliards d’euros de plus par an
(c’est-à-dire doubler au moins leur investissement actuel)
en priorité là où l’investissement public sera le catalyseur
d’un verdissement sectoriel
:
- le bâtiment (96 milliards/an supplémentaires, dont 62 milliards concentrés sur la rénovation énergétique des logements individuels) ;
- les transports (72 milliards, dont 39 milliards dans le déploiement du rail et 10 milliards dans les infrastructures vélo) ;
- et l’agriculture (44 milliards, dont 12 milliards pour soutenir l’accessibilité de tous·tes à une alimentation de qualité et 18 milliards pour déployer les pratiques agroécologiques et bio) ;
- Les investissements publics supplémentaires dans les infrastructures énergétiques (20 milliards) ou l’industrie (5 milliards) feront eux effet de levier sur l’investissement privé.
- Garantir une cohérence des politiques budgétaires, monétaires et fiscales avec les objectifs d’un nouveau Pacte social-écologique.
- Assurer la cohérence du budget communautaire et des budgets nationaux avec les objectifs d’un nouveau Pacte social-écologique, et ainsi poser une nouvelle doctrine en matière de dette pour piloter les investissements nécessaires à la transition juste en Europe.
- Renforcer le pouvoir du Parlement européen sur les choix économiques européens.
Notre socle programmatique pour l'Europe
Sauver le climat et faire face à l'urgence sociale
avec un Etat providence écologique européen
Introduction
L’histoire de l’Europe est une histoire économique, un projet de paix reposant sur la coopération économique de ses États membres. Le défi qui est le sien aujourd’hui réside, non plus dans la quête d’un marché unique à optimiser, mais dans la préservation d’un espace écologiquement sûr et socialement juste, dans lequel chaque citoyen et citoyenne peut s’épanouir et prospérer sans voir son existence menacée. L’heure est donc au retour de la question centrale de l’économie politique : la justice. Car un projet économique européen aveugle aux injustices, sociales et environnementales, est un projet mortifère. Nous devons ainsi faire preuve d’audace pour sortir du dogme de la croissance, mais également de résistance pour sortir d’une économie prédatrice, livrée aux forces du marché et d’intérêts privés qui n’ont pour seule boussole que le rendement de leurs capitaux.
S’il a été obtenu grâce à une immense mobilisation citoyenne pour le climat, le Pacte Vert a buté sur deux difficultés majeures : il n’était pas financé quand la transition requiert investissements financiers publics de long terme et accompagnement des populations, des territoires et des secteurs professionnels ; et il ne visait pas à redéfinir les rapports de force économiques quand la bifurcation écologique, fondée sur la sobriété, entraînera nécessairement la perte des profits issus des dividendes de certains actionnaires tout en enrichissant d’autres secteurs de la société. Si nous voulons réussir et même accélérer la transition écologique ainsi que le requiert l’urgence climatique et environnementale, nous devons aligner les politiques budgétaires, monétaires et fiscales, ainsi que l’ensemble de la régulation des acteurs économiques et financiers, vers un projet politique passant d’une logique mortifère d’accumulation sans limite, à une économie fondée sur le bien vivre.
Preuve qu'il est possible d'agir, les parlementaires écologistes ont initié et voté de nombreux textes de protection des consommateur·ice·s, de protection de l'environnement par les entreprises, ou des avancées sociales (salaire minimum). Nous avons en effet acheté des vaccins ensemble, nous nous sommes endetté·e·s à hauteur de 800 milliards d’euros au nom de l’Union pour financer un plan de relance (NextGenerationEU) et nous sommes provisoirement sorti·e·s du carcan de l’austérité pour préserver les États Providence européens, tout en actant le premier Pacte vert européen. Nous devons dans la prochaine mandature passer à l’acte II de l’Europe économique et dessiner la trajectoire de la prospérité juste et partagée. Les propositions de cette partie visent à changer de braquet pour réinventer les règles du jeu économique au sein de l’Union européenne.
A- Réformer l'Europe pour permettre l'investissement dans la transition écologique et les droits sociaux
Nous voulons une nouvelle architecture économique européenne robuste pour faire face aux défis de notre siècle : la préservation du climat et de la nature, la lutte contre la pauvreté et les inégalités. Dès lors, nous devons faire les investissements nécessaires pour préserver et transformer l’économie européenne. Les chantiers de la transition juste sont colossaux : le besoin d’investissements publics supplémentaires d’ici 2050 pour être cohérent avec l’ambition européenne de neutralité carbone d’ici 2050 est de l’ordre de 260 milliards d’euros par an au sein de l’UE, soit 1,6% du PIB actuel de l’UE. D’autres investissements encore seraient nécessaires pour relocaliser la production de médicaments, lutter contre la fast-fashion, lancer une industrie de la dépollution du monde... Nous devons adopter un Pacte Vert 2.0, permettant d’engager les sommes nécessaires pour accélérer la transition, revivifier nos territoires, créer des millions d’emplois et garantir notre souveraineté.
Les combats à mener lors de la prochaine mandature 👇
Engager 260 milliards d’euros par an d’investissements publics européens supplémentaires pour la transition juste d’ici 2050:
Pour atteindre nos objectifs climatiques et environnementaux, nous devons reprendre en main l'économie européenne afin de la réencastrer dans les limites planétaires et les besoins sociaux fondamentaux. Nous voulons ainsi un nouveau cadre de gouvernance macroéconomique ouvrant résolument la voie d’une économie de la prospérité, au-delà du seul horizon du PIB. La mise en place d’un Pacte social-écologique doit s’accompagner d’un Pacte européen pour l’emploi dans la transition (cf. VI.B. Accompagner les mutations du travail).
Nos mesures :
Sortir de l’austérité imposée pour financer la transition juste
Face à la crise sanitaire puis à la guerre en Ukraine, l’Union a décidé de lever les règles relatives au Pacte de stabilité budgétaire, dont les fameux critères de Maastricht limitant le déficit à 3 % et la dette publique à 60 % du PIB, afin de pouvoir se mobiliser et investir. C’était nécessaire, c’était possible, c’était efficace. Face aux sommes requises pour la transition, il nous faut des règles permettant tant l’investissement européen que celui des États membres.
Nos mesures :
- Construire une nouvelle doctrine de la dette, en passant du quantitatif au qualitatif afin de viser une soutenabilité sociale et environnementale de la dette des États européens plutôt que de les contraindre à un strict objectif chiffré qui ne dit rien de la résilience des économies et des sociétés.
- Adopter de nouveaux critères de convergence des politiques budgétaires européennes pour permettre aux États membres de réaliser des investissements sociaux et écologiques, notamment en assurant à ces dépenses un traitement spécifique dans le calcul de la soutenabilité de la dette et du calcul des déficits publics (des dépenses d’avenir résolument nécessaires face au coût de l’inaction).
- Transformer radicalement le Semestre européen : sortir de la logique de semestre pour redonner du temps à l’action politique, assurer un traitement comptable différencié des investissements verts et sociaux, suivre les subventions publiques aux investissements nocifs et alerter sur le manque d’investissement dans la transition à travers une recommandation prioritaire sur l’alignement des économies européennes avec l’Accord de Paris ainsi que l’impact sur l’emploi.
- Organiser des conversions de dettes pour le climat, en ciblant les dettes européennes détenues par la BCE à l’aune de nouveaux critères de convergence pour donner des marges de manœuvre aux États membres (conditionner l’annulation d’une partie de la dette des États membres à la conduite de réformes mettant en œuvre le Pacte social-écologique) ;
- Remplacer le Mécanisme de Stabilité Européen par une véritable Agence Européenne de la Dette dont l’action d'assistance financière au sein de la zone euro sera guidée par de nouveaux critères de convergence.
Doter l’UE des outils et ressources pour un choc d’investissement en commun :
Au-delà de donner des marges de manœuvre aux États membres pour investir, nous devons faire vivre le projet européen communautaire et mutualiser nos capacités budgétaires et d’investissement pour faire du Vieux continent le champion de la transition juste. Changer les règles régissant l’endettement ne suffira peut-être pas à l’Union pour dégager les moyens d’investissements requis. Auquel cas, et pour garantir une action commune résolue vers la bifurcation écologique et sociale, nous proposons :
Nos mesures :
- Un emprunt commun européen et une création monétaire à mission sociale et environnementale susceptible d’investir dans les projets des États membres.
- Stabiliser un budget européen de long terme, basé sur un accroissement des ressources propres de l’Union (se substituant partiellement et progressivement aux participations nationales), qui seraient collectées dans un esprit de justice sociale (cf.II.C.2. Établir une fiscalité juste).
- Renforcer le rôle du Parlement européen dans les choix budgétaires annuels et pluriannuels, en particulier en renforçant son rôle de codécision avec le conseil en matière de ressources et de fiscalité.
Verdir la politique monétaire pour garantir le pouvoir d’achat tout en soutenant une bifurcation écologique et sociale
Au prétexte d’assurer la stabilité financière en Europe, les majorités politiques ont construit une politique monétaire peu démocratique, destructrice de la nature et qui peine à protéger les États et les populations du chaos de l’économie et de la finance mondialisées. Nous devons nous ré-emparer de notre politique monétaire et l’utiliser pour répondre aux grands défis de notre temps : la transition juste et la lutte contre la pauvreté.
Nos mesures :
- Augmenter le contrôle démocratique de la Banque Centrale européenne (BCE), notamment en incluant des représentant·e·s des États, des élu·e·s, des membres de la société civile et des citoyen·ne·s dans la gouvernance et intégrer dans son mandat primaire l’emploi, les questions sociales et la soutenabilité environnementale.
- Mettre en place un Bureau européen du crédit, rattaché conjointement au Parlement européen et à la Commission, pour assurer un pilotage démocratique et un alignement des politiques budgétaires et d’investissement avec la politique monétaire. Ce Bureau assurerait la transparence et le débat public concernant les choix de la BCE (Congressionnal Budget Office à l’européenne).
- Permettre à la BCE de prêter directement aux États membres en encadrant ces crédits au strict financement de leur transition sociale et écologique, afin que les États puissent se financer sans passer nécessairement par les marchés financiers.
- Déterminer un cadre pour une création monétaire, dédiée au financement de projets indispensables sur les plans environnementaux et sociaux pour assurer une transition juste et rapide des économies européennes mais dont la rentabilité financière est incertaine.
- Créer des sociétés financières publiques “à mission” dont le mandat serait d’aiguiller cette création monétaire vers des dépenses qui ne trouvent pas de financement auprès du secteur privé via des subventions ou des investissements de très long terme.
- Permettre une épargne citoyenne engagée dans la transition, à travers la création d’un livret d’épargne populaire européen.
-
Guider les crédits des banques pour soutenir le financement de
projets verts (et de transition) et pénaliser les projets bruns (carbonés ou
toxiques) :
- Pratiquer des taux différenciés sur la base de plans de transition transparents sur la part des prêts bancaires contribuant aux objectifs d’un nouveau Pacte social-écologique ;
- Mettre en place des ratios stricts pour stopper le financement bancaire des actifs carbonés : tout investissement d’1€ dans les actifs bruns doit être articulé avec l’investissement de 6€ dans les actifs verts afin d’inverser les équilibres en matière de gestion d’actifs par les banques et acteurs financiers ;
- Renforcer la réglementation bancaire pour réorienter les flux de financement, à travers des mesures prudentielles, notamment les règles sur les fonds propres des banques qui ne financent pas assez la transition (cf. II.C.1. Réguler les acteurs financiers et bancaires) et des mesures plus structurelles de planification de la transition des bilans bancaires (cf. II.B.3.Faire sortir les entreprises des énergies fossiles) ;
- Organiser des achats d’actifs ciblés par la BCE.
B- Reprendre en main l'économie européenne pour construire une économie écologique, fondée sur l’éthique du care
Nous voulons maintenir les conditions d’habitabilité de notre planète à travers de nouveaux modèles économiques écologiquement soutenables et socialement justes. L’enjeu est de sortir du leurre de la croissance verte dans lequel l’Union européenne s’est enfermée pour construire l’économie de la post-croissance avec les acteurs et actrices de terrain qui s’engagent dans une mutation de leurs offres et modes de production et façonnent des emplois pérennes et dignes. Pour cela, il est impératif de s’affranchir du principe de “concurrence libre et non-faussée” qui donne une prime aux pollueurs et aux pratiques commerciales destructrices du vivant, non sanctionnées par les marchés, et de forcer la sortie de l’ère des fossiles de l’ensemble des organisations économiques.
Les combats à mener lors de la prochaine mandature 👇
Mettre la politique économique au service de la transition
En érigeant la concurrence comme critère principal du marché unique européen, l’UE a affaibli la capacité des États à orienter leurs économies vers les besoins de leurs concitoyen·ne·s et s’est soumise aux lois du marché les plus voraces. Il est temps de faire émerger une définition multi-critères de la concurrence au-delà du seul signal prix et ainsi de planifier la transition écologique et sociale de l’ensemble des entreprises européennes.
Nos mesures :
- Fixer des conditionnalités sociales - notamment en matière d’emploi - et écologiques, à toutes les aides publiques européennes.
- Lancer un Buy Green and European Act pour soutenir les acteurs économiques qui produisent, commercialisent, relocalisent, et créent des emplois en Europe, et appuyer les ménages dans l’équipement de produits bas carbone, en cohérence avec un nouveau Pacte social-écologique et adossé à des facilités pour les acteurs vertueux (commande publique, fiscalité comportementale).
- Instaurer une TVA verte, pour abaisser les taxes sur des produits européens décarbonés, sains et durables et ainsi faciliter l’accès à une consommation responsable par tous·tes. La TVA verte aura aussi vocation à soutenir les entreprises qui s’engagent dans la transition quand les règles du jeu actuelles donnent une prime au vice, et encouragent tant au dumping social et environnemental qu’à des pratiques commerciales injustes et aux délocalisations.
- Inclure des clauses environnementales et sociales robustes dans tous les marchés publics européens et s’assurer de leurs prises en compte dans le processus de sélection afin que ce soit l’offre “environnementalement, socialement et économiquement la plus avantageuse” qui prime.
- Établir un droit de préemption européen contre les délocalisations d’entreprises menant des activités vertes ou stratégiques (ex : énergie, production de médicaments) et produites en Europe afin de lutter contre les destructions d’emplois et la fuite des savoir-faire.
- Flécher les investissements vers les métiers de la transition écologique et la revalorisation des savoir-faire (cf. VI.B. Accompagner les mutations du travail).
Soutenir les entreprises engagées
L’économie européenne doit reposer sur un maillage robuste d’acteurs économiques qui ancrent leurs actions en partant des besoins sociaux, sortent de la logique du chacun pour soi et visent à restaurer et améliorer la qualité de l’emploi sur les territoires.
L’économie européenne doit être une économie régénérative, une économie qui sort du prisme de la gestion des “externalités négatives” pour asseoir l’ensemble de ses pratiques vers la réponse aux besoins sociaux, le renforcement des écosystèmes vivants et la réduction de l’empreinte énergétique et matières.
Nos mesures :
- Garantir la transparence de l’information écologique et sociale des entreprises en assurant un suivi rigoureux des obligations de reporting extra-financiers, en particulier des plans de transition climatique des entreprises (avec une attention particulière sur la comparabilité des scores de performance et la robustesse des méthodologies utilisées pour évaluer l’alignement des stratégies entrepreneuriales avec l’Accord de Paris) et en accompagnant les PME dans cet exercice en mobilisant tant les financeurs que les expertises.
- Créer un registre européen des scores de performance extra-financière de toutes les entreprises européennes.
- Encourager la recherche et le déploiement des systèmes de comptabilité sociale et environnementale, afin d’incorporer les dimensions extra-financières dans les états financiers des entreprises et promouvoir ces approches dans les normes comptables internationales (IFRS).
- Lancer un nouveau plan de déploiement de l’économie sociale et solidaire (ESS) en Europe, reposant sur des harmonisations juridiques et fiscales, une reconnaissance spécifique dans les textes économiques, des facilités d’accès aux financements européens (fonds structurels, d’investissement et aides publiques) et aux marchés publics pour les associations, fondations, coopératives, tiers-lieux, mutuelles et entreprises à impact qui limitent leur lucrativité. Le soutien à ces structures est indispensable pour revitaliser une démocratie économique affaiblie par le poids croissant des actionnaires dans la vie des entreprises. A titre d'exemple, les communautés d'énergie renouvelable sont indispensables pour permettre une réappropriation citoyenne des moyens de production et méritent donc d'être encouragées.
- Soutenir le développement des entreprises à mission en Europe à travers une directive dédiée s’inspirant du cadre juridique français et s’appuyer sur les premières expérimentations européennes en matière de nouveaux statuts et nouvelles qualifications juridiques pour les sociétés, afin de façonner un nouveau cadre juridique pour les entreprises européennes qui rompt avec l’impératif de maximisation du profit et rend opposable les engagements sociaux et environnementaux, pour lutter notamment contre le green et social washing.
-
Lancer un Digital Green and Social Deal
qui place les technologies numériques au service de la réalisation d’une
vie décente pour tous·tes dans les limites de la planète :
- Evaluer l’impact écologique des politiques européennes de soutien aux technologies numériques, avec une vigilance particulière sur les effets rebond, et leur contribution au Pacte vert passé et au Pacte social-écologique à venir ;
- Renforcer l’ European Green Data Space pour faciliter le partage des données non-personnelles d’intérêt public entre acteurs publics et privés, en particulier les données pertinentes pour l’action contre le réchauffement climatique ;
- Orienter les pratiques numériques vers (1) la sobriété, la réparabilité (car l’empreinte environnementale du numérique est d’abord une empreinte matérielle - cf. V.B.5. Optimiser et encadrer le secteur du numérique pour en faire un outil de la sobriété et de l'efficacité), la circularité et l’efficacité énergétique et (2) la lutte contre les inégalités et les discriminations, la résilience des communautés face aux crises, la décentralisation des pouvoirs économiques et la lutte contre les oligopoles.
Faire sortir les entreprises européennes des énergies fossiles :
Une centaine d'entreprises à travers le monde représentent plus de 70% des émissions de gaz à effet de serre depuis le début du siècle et seul 1% des investissements de l’ensemble de ces groupes va vers des actifs bas carbone (Carbon Disclosure Project). Les efforts collectifs pour assurer la transition énergétique sont donc bafoués par une poignée d’acteurs du charbon, du gaz et du pétrole qui ralentissent l’action pour le climat et captent la grande majorité des flux financiers nécessaires au déploiement des énergies renouvelables. L’heure est donc de sortir de l’inaction politique et de reprendre la main sur les pollueurs.
Nos mesures :
- Désinvestir l’argent public européen des activités toxiques pour la planète (330 milliards au niveau européen selon l’AIE).
- Créer un fonds de souveraineté écologique européen adossé à la Banque européenne d’investissement (BEI) afin de reprendre le contrôle stratégique sur les entreprises fossiles européennes les plus émettrices, les contraindre à aligner leurs stratégies avec l’Accord de Paris et soutenir ainsi les investissements pour un mix énergétique 100% renouvelable d’ici 2040 en Europe (cf V.A. Un nouveau modèle énergétique plus sobre et 100% renouvelable).
- Prévenir le risque d’une crise financière conséquente à l’inaction climatique des entreprises fossiles (les fossiles sont les nouveaux subprimes, c’est à dire des actifs financiers survalorisés et donc à haut risque): outre une réglementation financière à renforcer pour briser les liaisons dangereuses entre le secteur financier et les industries fossiles (cf. II.C.1. Changer les règles du jeu de la finance et assurer la justice fiscale) - la BCE doit se mobiliser - via la création de fonds de défaisance public (ex : Fossil Banks) - pour reprendre la main sur les actifs fossiles. Cela permettra d’amorcer une sortie progressive des énergies fossiles et libérer des capacités de financements pour les acteurs de la transition.
C- Changer les règles du jeu de la finance et assurer la justice fiscale
Nous voulons un secteur financier qui accompagne la transformation de l’économie et non pas qui la ralentit. Cela concerne l'ensemble de l’architecture du monde financier, de la fiscalité du capital aux mécanismes de partage des richesses . C’est un impératif, autant pour agir pour le vivant que pour protéger les citoyen.ne·s des crises financières à venir.
Les combats à mener lors de la prochaine mandature 👇
Réguler les acteurs financiers et bancaires pour répondre aux besoins de la transition juste
Le capitalisme financiarisé ne cesse de se renforcer : la valeur totale des actifs accumulés au bilan des institutions financières du système financier a doublé depuis 2008. Or, le risque de crises financières et bancaires, et évidemment climatiques et environnementales est encore bien présent quand les banques et le secteur financier continuent d’investir dans des projets néfastes tant pour les droits humains que pour le climat et le vivant. Nous devons changer la donne et mettre enfin la finance au service du soin des êtres humains et de la planète.
Nos mesures :
- Sortir de la finance européenne des actifs carbonés, en mettant dans un premier temps en place des ratios stricts : tout investissement d’1€ dans les actifs bruns doit être articulé avec l’investissement de 6€ dans les actifs verts afin d’inverser les équilibres en matière de gestion d’actifs par les banques et acteurs financiers.
- Réviser et renforcer les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) auxquels sont soumis les acteurs financiers, viser une intégration de ces critères dans les référentiels comptables existants et les contraindre à formaliser des plans de transition climat sur lesquels leur responsabilité civile pourra être engagée.
- Imposer aux acteurs financiers un devoir de vigilance visant à ce qu'aucun de leurs actifs ne contribue à la violation des droits humains ou la destruction de la planète.
- Lutter contre le green and social washing en matière de labellisation des fonds d’investissement dits “verts”.
- Réformer la taxonomie verte afin de sortir le nucléaire et le gaz de la liste des investissements dits verts et préciser ces derniers avec des critères d'éligibilité élargis aux enjeux sociaux de la transition juste, imposer des normes strictes pour l’ISR (“investissements socialement responsables”) et développer la finance solidaire au niveau européen.
- Renforcer la transparence des investissements des banques pour permettre aux citoyennes et aux citoyens d'être mieux informé·e·s sur les choix liés à leur épargne. La liste précise les investissements réalisés avec les produits d’épargne grand public et doit être rendue publique.
- Passer une nouvelle étape dans la réglementation des crypto-monnaies afin de renforcer les contrôles nationaux et européens de l’activité de prestataires de services sur actifs numériques et la lutte contre le financement d’activités criminelles via les crypto-actifs.
- Achever la séparation bancaire entre les banques de dépôt - nécessaires au fonctionnement de l’économie réelle - et les banques d’investissement qui pratiquent des activités financières aux risques accrus et volatiles, afin que les spéculateurs ne spéculent pas avec l'argent des autres.
- Supprimer les paradis fiscaux en Europe et interdire l'accès aux marchés publics et financiers des acteurs ayant des activités dans les paradis fiscaux. L’UE doit mettre fin au transit des capitaux par les paradis fiscaux. Ces actions ne touchent pas seulement à la question de transparence des comptes privés mais à l’ensemble de la chaîne des sociétés dites offshore, aidées dans leurs implications par des sociétés financières et cabinets d’avocats et de conseil qui organisent l’anonymat des comptes.
Établir une fiscalité juste :
Les rémunérations des actionnaires augmentent sept fois plus rapidement que les salaires (Indice mondial des dividendes et Conférence européenne des Syndicats) au sein de l’Union européenne, alors même que les ménages européens doivent faire face à une stagnation de leurs revenus et que les entreprises devraient investir dans la transition environnementale de leurs activités. L’absence de volontarisme politique en matière de fiscalité du capital, engendrant des accumulations mécaniques de richesses, est au cœur de ce dérèglement structurel. Face à cette injustice criante dans la distribution des richesses, l’Europe doit se montrer volontariste en matière de politique fiscale et redistributive.
Nos mesures :
- Tendre vers l'Union fiscale en mettant fin à l'unanimité dans le domaine fiscal pour passer à la majorité qualifiée, soit par une réforme des traités (cf I. Changer les règles du jeu) soit en utilisant la clause passerelle prévue par les traités actuels. L'Union fiscale est un levier essentiel du financement de la redirection écologique et de la justice sociale et fiscale. Si besoin, nous soutiendrons la mise en œuvre de coopérations renforcées dans le domaine fiscal.
- Taxer la fortune des milliardaires en instaurant un ISF climatique européen : cet impôt écologique sur les 0,5% les plus riches de chaque État membre permettrait de rapporter au moins 200 milliards d’euros par an, sommes pouvant être investies pour financer la transition (l’impôt sur les actifs carbonés ayant vocation à s’éteindre à terme).
- Taxer les transactions financières spéculatives sur les marchés, notamment les transactions infra-journalières et le trading de haute fréquence qui sont les pratiques les plus spéculatives. Cette taxe de 0,1% sur le volume de transactions pourrait rapporter 60 milliards de recettes supplémentaires à l’Europe.
- Assortir les rémunérations exceptionnelles des dirigeants d’entreprise d’indicateurs sociaux et environnementaux, en particulier en définissant un pourcentage de rémunération (bonus et versements de dividendes) directement lié à la réalisation des plans de transition afin qu’il n’y ait pas de captation de profit sans impacts sociétaux associés.
- Encadrer les durées de détention des actifs à travers une fiscalité favorable pour les détentions de long terme et une taxation majorée pour les investissements spéculatifs de court terme ainsi que pour les rachats d’actions qui nuisent à l’investissement dans la transition et l’innovation.
- Taxer les superprofits, en particulier des opérateurs financiers et les multinationales qui réalisent des bénéfices excessifs pendant les crises (ex. pandémie COVID-19, augmentation des prix des produits alimentaires suite à la crise énergétique) en taxant à 50% les bénéfices extraordinaires réalisés par les entreprises qui ont observé une augmentation de 10% de leurs bénéfices nets par rapport aux 5 dernières années pour financer les dispositifs d’accompagnement à la transition juste des personnes vulnérables (ex. renforcement du fond social pour le climat).
- Supprimer la niche fiscale sur le kérosène et shipping maritime, actuellement exemptés (cf. V.B.2. Repenser en profondeur les transports). Les exemptions fiscales du secteur aérien ont totalisé un manque à gagner pour les États européens de l’ordre de 34 milliards d’euros (T&E, 2023).
- Augmenter l’impôt minimum sur les sociétés européennes.
- Lutter contre les paradis fiscaux : reprendre la bataille contre les paradis fiscaux partout dans le monde, renforcer le contrôle des flux de capitaux au sein de l’UE, renforcer les critères d’inscription sur la liste des paradis fiscaux et veiller à ce que les États membres n'autorisent pas les pratiques fiscales déloyales.
D- Pour une industrie verte et vivante
Nous voulons une Europe qui aligne sa politique industrielle et commerciale avec son ambition de prospérité sociale et environnementale. La pandémie de Covid, suivie de la guerre en Ukraine, sur fond de guerre économique États-Unis/Chine, a mis en exergue les dépendances extérieures de l’Union : des principes actifs pour l'industrie pharmaceutique, aux semi-conducteurs, en passant par les métaux critiques nécessaires au déploiement des énergies renouvelables. Nous devons ainsi bâtir une autonomie industrielle centrée sur la réponse aux besoins fondamentaux, notamment énergétiques, et mettre fin aux accords de libre échange. Passons à une coopération juste avec le monde.
Les combats à mener lors de la prochaine mandature 👇
Relocaliser et réindustrialiser l’Europe dans les secteurs de la transition
La détonation de la loi américaine de réduction de l’inflation (IRA) en Europe a eu le mérite de mettre en exergue les défaillances européennes en matière de cohérence des politiques macroéconomiques et industrielles. Une véritable politique industrielle commune résolument orientée vers la décarbonation, la sobriété des ressources et la relocalisation des productions, en particulier des intrants des activités industrielles, ne peut se penser dans un cadre de strict concurrence et d’austérité. C’est toute la chaîne de production de nos objets de la transition énergétique qui sont concernés : panneaux solaires, batteries électriques, turbines d’éoliennes…
Or, la politique industrielle et d'autonomie stratégique de l'Union européenne n'est pas à la hauteur des ambitions affichées par l'Union européenne dans le cadre du Pacte Vert (Green Deal). Au-delà du carbone, les enjeux environnementaux de l’industrie sont vastes : consommation d’eau de nombreuses productions (verre, papier/carton, métallurgie) qui sont mises à l’épreuve face aux sécheresses, pollutions des sols, santé environnementale des travailleuses et travailleurs dans l’industrie (risque d’intoxication)…
Nous devons donc harmoniser les objectifs climatiques, environnementaux et industriels, dans le cadre d’une nouvelle économie écologique. Une telle politique industrielle européenne, capable de récréer un socle productif commun, cohérent avec les limites planétaires, doit être l’assise du projet européen de sobriété des ressources.
La question de l’autonomie stratégique de l’Union en matière d’accès aux métaux critiques pour les besoins de la transition écologique et des technologies numériques ne doit pas devenir un nouvel extractivisme “vert”. Nous réfutons la logique du Règlement sur les Matériaux Critiques qui impose des objectifs d’extractions décorrélés des ressources disponibles, de la préservation des zones naturelles protégées et de l’environnement des populations qui y vivent et en vivent. Notre vision de l’autonomie est indissociable d’une réduction significative de notre consommation matérielle, d’une logique d'éco-conception, de durabilité, de réparabilité des produits, d’infrastructures faites pour durer et d’efforts d’innovation en matière de réutilisation et de recyclage des métaux déjà extraits.
Nos mesures :
Un plan européen de relocalisation de l’économie et de l’industrie vertes :
- Planification industrielle européenne territorialisée s’appuyant sur une coordination des stratégies nationales de réindustrialisation avec des stratégies de reconstitution de filières adaptées aux besoins et caractéristiques locales ;
- Identification au niveau européen des secteurs stratégiques à relocaliser où nous devons créer des filières industrielles de substitutions aux importations et de déploiement des circuits courts : réseaux et intermodalité des transports, chaînes logistiques décarbonées, sécurité énergétique, processus de dépollution, recyclage du textile pour lutter contre l’empire de la fast-fashion et la pollution des textiles industriels ou encore santé…
- Conditionnalité de toutes les aides et investissements publics à la création d’emplois sur le territoire européen et accompagnement des mutations des emplois industriels (cf. VI.B. Accompagner les mutations du travail) ;
- Créer un guichet européen unique pour les PME et ETI industrielles européennes, avec des présences dans tous les États membres (Circularity Hubs) pour être accompagné avec la recherche de financement et la formation aux enjeux de circularité ;
- Encourager la conclusion par les acteurs industriels de contrats d'achat d'énergie renouvelable de long-terme, y compris d'électricité. Cela contribuera à stabiliser les prix des ressources énergétiques.
Vers l’autonomie énergétique et en matières premières dans le respect des limites planétaires :
- Créer une Autorité européenne dédiée au pilotage de l’empreinte matérielle de l’UE : la transition énergétique va accroître la pression sur les métaux nécessaires à la transition énergétique. Nous devons donc planifier les usages prioritaires à travers un dialogue démocratique sur la maîtrise de la demande, la sobriété des ressources rares et non renouvelables ;
- Définir une stratégie européenne de déploiement d’une économie circulaire industrialisée permettant la construction de filières de collecte, de tri, de prétraitement et de transformation des minerais et matières premières (ex : pour les batteries) pour construire les conditions d’une autonomie durable par la réutilisation/la refabrication, en s’appuyant sur des objectifs européens de recyclage à chacun des matériaux (et non pas en pourcentage du produit final). La circularité doit aussi être encouragée à travers l’interdiction de l’exportation de matières usagées hors d’UE (comme le textile) ;
- Soutenir la circularité des matériaux avec une réglementation européenne plus volontariste en matière de transparence sur la réparabilité des objets (lutte contre l’obsolescence prématurée), contraintes sur la disponibilité des pièces de rechange et la priorité à la réparation dans le cadre des garanties légales et le soutien aux marchés de l’occasion ;
- Investir dans un plan européen de décarbonation des processus de production, en commençant par la décarbonation de l’acier pour créer des alternatives au charbon métallurgique. Compte tenu du rôle essentiel de l'acier dans la transition énergétique (production des éoliennes et des véhicules électriques) et de la nécessaire sortie complète du charbon (thermique et métallurgique), les financements européens doivent cibler en priorité la transition vers des modes de production d’acier ne recourant pas aux énergies fossiles ;
- Soutien à la recherche européenne sur les procédés industriels à haute efficacité énergétique et matérielle dans le cadre du programme Horizon Europe.
- Finaliser la création du passeport numérisé des produits informant les consommateurs sur les conditions de production et l’empreinte carbone, matière et sociale des produits.
Un protectionnisme vert
Les accords de libre-échange menés par l’Union européenne sont tout simplement incompatibles avec les engagements déjà pris par les 27 dans le cadre du Pacte vert européen, plus encore avec notre volonté de remettre l’économie dans le lit des 9 limites planétaires. Le logiciel de ces accords, comme nous avons pu le voir avec le TAFTA ou encore le CETA, reste le dumping aux exigences sociales et environnementales, réduisant de facto tous les efforts européens pour façonner une économie au service des besoins et une écologie industrielle. Or, l’Europe a bien plus à partager avec le monde que l’exportation de voitures thermiques et de pesticides : passons au juste échange, sur des principes de solidarité, d’égalité, de coopération, de soutenabilité et de démocratie.
Nos mesures :
- Acter la fin des accords de libre-échange pour une coopération internationale fondée sur la transition juste et le commerce au plus près des besoins dans une logique de sobriété.
- Introduire une directive cadre sur les mesures miroirs : aligner la politique commerciale européenne sur les engagements écologiques. Engager une réflexion systématique sur la pertinence et l’utilité d’une section dédiée au traitement des biens et services importés pour chaque grand texte européen de mise en œuvre du Green Deal (dans les études d’impacts, les consultations et l’élaboration des propositions législatives).
- Introduire des clauses miroirs dans tous les accords commerciaux afin d’aligner les exigences sociales et environnementales des produits importés avec celles pratiquées en Europe en matière de durabilité, d’environnement, de santé, de gouvernance ou de bien-être animal. Prévoir des sanctions dans les accords en cas de non-respect de ces exigences.
- Interdire la production pour l’exportation de pesticides interdits, substances dangereuses et déchets toxiques dont l’usage est interdit dans l’UE en raison de leur dangerosité pour la santé ou les écosystèmes.
- Étendre la taxe carbone aux frontières, l’élargir aux produits manufacturés, aux services qui induisent des fuites de carbone et aux produits toxiques, y inclure des éléments relatifs aux salaires et conditions de travail.
- Mettre en place un mécanisme d’ajustement équitable aux frontières (EU Fair Border Tax) : cette taxe obligerait les entreprises qui importent des produits dans l’UE à payer une taxe pour tout travailleur ou travailleuse de leur chaîne d’approvisionnement mondiale qui reçoit un salaire inférieur au seuil de pauvreté.
- Mettre fin aux prêts conditionnés à des engagements commerciaux (exportations et importations) pour les pays des Suds et intégrer la dette climatique des pays européens dans la politique d’aide au développement de l’UE (cf. VIII.C. Renforcer notre solidarité avec les populations des Suds).