Le dérèglement climatique, la pollution généralisée, l’effondrement de la
biodiversité menacent tous les aspects de nos civilisations : la paix, les
droits humains, notre santé, nos économies. Malgré l’illusion de la
dématérialisation, nos sociétés reposent sur la matérialité de chacune de
nos ressources : l’eau qui nous hydrate et nous irrigue, la terre qui nous
nourrit et nous fournit nos matériaux de chauffage et de construction, les
minerais qui alimentent nos industries, les ressources du sous-sol qui
constituent nos énergies fossiles. Ces ressources sont précieuses mais
toutes sont en dégradation et en raréfaction (subie ou choisie) ; leur
territorialité et l’enjeu de leur contrôle recompose les équilibres
mondiaux et les alliances.
Face à cette réalité, certains États ou organisations politico-militaires,
mettent en péril toute transition écologique, à la fois dans les récits et
de façon très matérielle, faisant de la rétention sur les ressources de
leur territoire. Ce sont les mêmes qui, soulignant les incohérences du
système international multilatéral, confinent à un repli nationaliste ou à
la guerre (conventionnelle et non-conventionnelle).
La transition écologique est une question de sécurité. En contrôlant mieux
son système énergétique, ses technologies essentielles et ses chaînes
d'approvisionnement vitales, l'UE peut avoir un impact plus important sur
la politique étrangère et sur une transition juste à l'échelle mondiale.
C'est l'occasion pour l'UE de devenir une actrice plus efficace aux côtés de
ses partenaires et des institutions multilatérales, en faisant progresser
la paix et la sécurité ainsi que les valeurs universelles, les objectifs
de développement durable, les droits de l'Homme et la démocratie dans le
monde entier.
Aucun pays, aucun continent, ne peut s’en sortir seul dans les
bouleversements géoclimatiques : que ce soit dans la ceinture de
vulnérabilités (les zones du monde qui cumulent les réserves minérales,
les écosystèmes à régénérer et les conséquences du dérèglement climatique
les plus fortes) ou dans les pays riches du Nord dont la transition
énergétique est dépendante de minerais extraits ailleurs, dans les “moyens
pouvoirs” qui disposent de ressources mais font face à des enjeux
démocratiques importants. Nous dépendons tous d’un système-Terre dévasté.
Dans ce nouveau contexte, la sécurité écologique est le fondement de toute
autonomie stratégique à venir.
Nous voulons donc que l’Europe, consciente de sa vulnérabilité écologique
et économique, construise une nouvelle relation avec ses partenaires
fondée sur la reconnaissance, le respect et la coopération pour comprendre
ensemble ce que signifie pour nos sociétés une période d’instabilité
climatique et biologique profonde.
Dans cette déstabilisation, l’Union a besoin d’une approche globale
incluant les relations extérieures, la politique de sécurité et de défense
commune et lui permettant de devenir une actrice mondiale en faveur de la
paix et de la sûreté des habitant·e·s de la planète. Elle doit pouvoir
ainsi promouvoir et défendre l’idée d’une planète juste et sûre.
Les combats à mener
lors de la prochaine mandature 👇
Construire une diplomatie et une défense européenne commune
Pour réduire l’instabilité, combattre les violations des droits humains,
prévenir les conflits y compris lutter contre les cyberattaques qui
interfèrent avec les processus démocratiques de pays souverains, il est
temps d’avoir une politique étrangère européenne moderne, crédible et
efficace. Face aux grandes puissances comme les États-Unis, la Chine ou
l’Inde, seule une Europe unie peut peser sur le plan international.
Nous assistons à la montée en puissance des pays autocratiques
(Russie-Iran-Chine) et à l’isolationnisme croissant des États-Unis alors
que l’extension de la guerre de la Russie contre l’Ukraine sur le reste du
territoire menace l’Europe. Après l’intervention en Géorgie (2009), en
Syrie (depuis 2013), en Crimée et à l’est de l’Ukraine (2014), la Russie
continue de représenter une menace forte du fait de sa tutelle sur la
Biélorussie, de son interventionnisme en Moldavie, au Kosovo. L’offensive
du 24 février 2022 en Ukraine affirme le paroxysme de l’impérialisme
russe. Les risques les plus lourds pèsent à présent sur l’est de l’Union
européenne, notamment sur les pays Baltes et la Pologne.
L’Europe doit être capable d’assurer la défense de l’Ukraine, l’intégrité
de son propre territoire et son indépendance énergétique. C’est un enjeu
de crédibilité face au reste des partenaires internationaux. Pour parer au
retrait progressif des États-Unis dans leur de rôle de garant du système
international, et alors qu’ils se focalisent sur les crises
indo-pacifiques et la Chine, l’Union européenne doit pouvoir assurer une
vision stratégique et anticiper les bouleversements à venir. Elle
nécessite une meilleure cohérence des capacités budgétaires et
d’investissement de l’UE pour assumer les dépenses militaires. Il s’agit
également de renforcer la coopération entre ses États membres, notamment
en matière scientifique et technologique, de production et de gestion de
l’armement et de renseignement. La coopération technologique doit aussi
pouvoir s’appuyer sur l’expérience ukrainienne qui est devenue un
véritable laboratoire d’innovation reposant massivement sur l’intelligence
collective de sa population.
L’Union européenne doit également être en mesure de préserver ses valeurs
et son modèle face aux tentatives de déstabilisation par la désinformation
et les menaces cyber en renforçant l’indépendance et la sécurisation de ses
propres plateformes d’information, ainsi que la protection des lanceur·euse·s
d’alertes (cf VII.A. Faire de l’Europe le bouclier de nos droits et nos libertés). L’Estonie est un des pivots de cette stratégie.
Pour atteindre ces objectifs, l’Union européenne doit se munir des
institutions et des outils adéquats et efficaces au vu des enjeux
actuels.
Nos mesures :
-
Des institutions à la hauteur des enjeux
-
Mettre fin à l’unanimité au Conseil sur la politique étrangère et de
sécurité commune pour permettre à l’Union de réagir rapidement et
efficacement.
-
Assurer une supervision du Parlement sur la politique extérieure, de
défense et de sécurité commune que ce soit sur la définition de la ligne
diplomatique de l’Union, les interventions extérieures de l’Union ou les
fonds européens déployés.
-
Assurer la présence du Vice-président de la Commission en charge des
relations extérieures dans les négociations bilatérales conduites par les
États membres afin d’assurer la cohérence des axes de travail avec ceux
de l’Union.
-
Mettre en place un cadre global de politique extérieure, de défense et
de sécurité commune avec une approche stratégique pluridimensionnelle
efficace
incluant à la fois les actions militaires et civiles, les actions
préventives et réactives, le court et le long-terme, les approches
conventionnelles et hybrides et les instruments centrés sur les États et
ceux centrés sur la société.
-
Continuer à mettre l’accent sur la nécessité d’une politique
extérieure et de sécurité fondée sur les valeurs, le respect des
droits humains notamment des femmes.
-
Construire l’Europe de la Défense
-
Créer un poste de commissaire à la défense au sein de la prochaine
Commission.
-
Établir un marché européen de la défense fiable et capable d’assurer une
coordination logistique et industrielle.
-
Produire des armes en Europe, pour ne pas s’exposer à de nouvelles
dépendances toxiques.
-
Soutenir la mise en place d’achats en commun des principaux systèmes
d’armement.
-
Inclure les capacités militaires multinationales existantes
(European Air Transport Command, Eurocorps)
dans les structures européennes.
-
Réglementer la dimension extérieure du commerce des armes par le biais
d'un règlement européen spécifique.
-
Renforcer les capacités de recherche et de développement afin
d’accompagner la sobriété et la décarbonation des forces de sécurité et
de défense.
-
Améliorer l’efficacité en matière de renseignement, de cybersécurité et de
lutte contre la désinformation
-
Renforcer l’autonomie et l’intégration des systèmes de renseignement
de l’Union
en lien aussi avec les capacités de renseignement du Royaume-Uni, de la
Norvège.
-
Disposer de moyens de protection et d’enquête communs et de
poursuite des attaques cyber coordonnés.
-
Assurer notre sécurité
-
Mettre en place une force européenne commune de déploiement de 5000
personnes qui pourra également être capable d’apporter son soutien en
matière de protection civile ou pour sécuriser des atteintes à
l’environnement (pêche illégale, braconnage, etc.).
-
Renforcer la coopération des polices, justices pénales et financières
européennes dans la lutte contre le terrorisme.
-
Construire une politique humaine et éthique du contrôle de nos
frontières et de la politique migratoire (Frontex, violation des
droits de l’homme, sécurité).
Promouvoir la paix grâce au cadre global de politique extérieure, de
défense et de sécurité commune
L’Union européenne a été capable de prendre des sanctions communes contre
l’agression russe en Ukraine, assure des opérations civiles ou militaires
dans différents pays, notamment en Afrique. L’Union européenne est
également la principale donatrice pour l’aide humanitaire mondiale (36%
des financements), ce qui constitue un des piliers essentiels de notre
action extérieure. Elle a mis en place une stratégie de relation avec des
pays tiers, appelée Global Gateway (passerelle mondiale), qui vise à
apporter des financements privés et publics sur des projets
d’infrastructures de transport, d’énergie et numériques et des projets de
santé, d’éducation et de systèmes de recherches en lien avec ses
engagements internationaux (objectifs de développement durable de l’ONU et
accord de Paris).
L’UE est dotée d’une politique de sécurité et de défense commune (PSDC),
d’outils budgétaires comme le Fonds européen de défense et d’un document
cadre, toutefois ces outils restent restreints et en inadéquation avec les
enjeux géopolitiques contemporains et l’évolution des menaces. L’Union
dispose déjà de réglementations sur l’approvisionnement et la vente
d'armes, notamment sur les exportations établissant des critères communs
mais laissant à la main des États l’application des critères. L’Union
représente, sur la période 2000 - 2020, un quart des exportations
mondiales d’armes (la France étant le 3ème pays exportateur du
monde).
L’Union européenne a besoin d’un
cadre global pour mener une politique extérieure et une politique de
défense et de sécurité commune
et ainsi
agir sur les enjeux de sûreté d’une manière systémique
en ayant une cohérence et une articulation des différents instruments
(civil et militaire). La Commission a estimé, en 2016, qu’une coopération
sur la recherche, le développement et les approvisionnements entre les
États membres permettrait d’économiser entre 25 et 100 millions d’euros
(sur les 200 millions de dépenses collectives annuelles). Ces économies
pourraient être redéployées pour renforcer l’efficacité de notre
politique. La promotion de la paix, la prévention des conflits et le
renforcement de la sécurité internationale ne peuvent être atteints par
les États membres individuellement.
Nos mesures :
-
Mettre fin aux exportations d’armes vers des pays en guerre ou
susceptibles d'utiliser les civil·e·s comme cibles :
-
Rendre contraignants les 8 critères sur l’exportation d’armes
(par exemple, les possibles effets d’une exportation donnée sur le
respect des droits de l’Homme et sur la préservation de la paix et de
la stabilité)
à l’extérieur et à l’intérieur
de l’Union pour éviter les transferts non-vérifiés de composants de
systèmes d’armement. Nous devons mettre fin aux ventes d’armes en
direction de dictatures telles que l’Arabie Saoudite et l’Egypte ;
-
Impliquer la cour de Justice de l’Union européenne en cas de violation
des règles européennes en matière d’exportation d’armes ;
-
Exiger la transparence sur les exportations d’armes par les pays de
l’Union ;
-
Poursuivre les efforts de désarmement :
-
Développer la prévention des conflits et promouvoir une éducation à la
paix ;
-
Aller au-delà du traité de non-prolifération des armes nucléaires,
pousser la signature par l’Union européenne du traité sur
l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) qui est en vigueur depuis
2021;
-
Protéger les populations et l’environnement des conséquences des guerres :
-
Mettre en place un accompagnement des États membres et des pays tiers
pour la dépollution pyrotechnique des zones de conflits, les munitions
(conventionnelles ou chimiques) non explosées représentent un danger
humain et environnemental important ;
-
Anticiper les nouveaux conflits et désastres climatiques : généraliser
l’intégration d’objectifs climatiques et de préservation de la
biodiversité dans tous les instruments de sécurité et de défense.
-
Utiliser l’intégralité de ses leviers dans le respect du droit
international pour garantir la paix en Israël - Palestine
-
Protéger les civil·e·s
: faire pression pour la libération des otages encore vivants et le
retour des déplacé·e·s.
-
Défendre l’appel au cessez-le-feu à Gaza inconditionnel et permanent.
-
User de tous les leviers diplomatiques possibles pour retrouver le chemin
de la paix
(sanctions économiques, diplomatiques et politiques dont l’arrêt
d’exportation d’armes ou la suspension de l’accord d’association)
jusqu’à l’arrêt des bombardements et du blocus.
-
Agir pour la reconnaissance de l’État de Palestine
au niveau européen et la solution à deux États.